jeudi 29 avril 2010

UN PEINTRE ATYPIQUE

Notre époque adore enfermer les artistes dans des catégories, des écoles, des mouvements. Dès qu’un artiste offre un travail très personnel, il dérange, met mal à l’aise, non pas le spectateur, mais le critique ou l’analyste.
Et voilà le problème que nous rencontrons justement avec Dominique Tardler. Que sa culture éclate dans ses oeuvres, c’est certain. Personne ne pourrait employer un tel mélange de couleurs, ni cette composition dans les oeuvres, sans avoir fréquenté les musées et surtout y avoir compris et enseigné les tableaux des grands maitres.

Mais où sont Vinci, Le Brun, Chardin, Liotard, Degas, Vuillard dans la technique qu’il utilise? Le pastel, de la fin du XVIe siècle à nos jours, sert en général un art figuratif de qualité. Avec Tardler la technique consiste, dans la grande tradition, à effectuer une superposition des masses épaisses de couleur pour obtenir un mélange de pigments qui donnent une lumière et une intensité remarquable à ses toiles.
Cette richesse de traits, de textures, offre une pureté et une vibration que seul le pastel peut obtenir. L’effet optique auquel parvient Tardler nous plonge dans un monde en mouvement, instable, fugace, presque insaisissable.

Les sujets même que l’artiste aborde évoluent rapidement. Arbres et rochers sont devenus masques et portraits puis, subitement, toute figuration raisonnable disparait au profit d’une abstraction matérielle.
Ce ne sont point des figures évanescentes qui nous sont alors proposées. Ces figures sont totalement concrètes. Le pastel leur donne du relief, et les fonds de toile de l’absolu.

Les dessins de Tardler représentent le désir le plus profond de l’homme, le plus secret, le plus intime. De ce fait, ses oeuvres qui, jusque là, pouvaient être abordées par le plus grand public, deviennent subitement un miroir de sa pensée, et donc de la nôtre.

On n’aborde pas un tableau de Tardler en se contentant de passer devant. La réflexion ne serait alors que : “c’est beau”, et c’est beau. Non! Il faut s’asseoir devant et s’enfoncer dans un monde onirique peuplé de satellites chimériques qui passent, fugaces, dans notre imaginaire. Le voyage commence, dans un espace sidéral... on atterrit suer la planète, on cherche, dans ce monde nouveau que nous crée l’artiste, le sentier du désir et du plaisir.

La couleur détermine l’état de l’âme, mais la nuance crée le chemin. Comme disait Verlaine “Pas la couleur, rien que la nuance”. On comprend alors le travail fondamental pour exprimer ces petits chemins de lumière qui nous entrainent vers un monde nouveau. Le voyage en surface que nous abordons face à ces dessins devient vite une introspection, une émotion, un choc intellectuel, un moment de la pensée, la source d’une réflexion sur notre avenir ou notre monde.

De ce fait les oeuvres de Tardler possèdent l’universalité puisqu’elles sont à la base de l’introspection de l’homme. Comme l’écrivait Valéry “Ce qui est le meilleur dans le nouveau est ce qui répond à un désir ancien”. Il est évident que les désirs de Tardler ont longuement muri avant d’exploser sur ses toiles, et que, de ce fait, ils correspondent aux nôtres.

Dominique Tardler est véritablement un artiste du XXIe siècle. Tandis que nous nous demandions si nous n’avions le choix qu’entre l’Arte Povera de Calzolari ou de Pistoletto, ou les jeux d’un Pol Bury, il nous ouvre une voie nouvelle dans la création, et l’évènement est si rare qu’il mérite d’être admiré.

Christian GALLO
auteur dramatique
critique d'art
directeur du journal "Le Ficanas"

PIERRES ET ROCHERS III






PIERRES ET ROCHERS II


2007 PIERRES ET ROCHERS




de l'arbre au rocher ce n'est qu'une question de détail supprimé

mercredi 28 avril 2010

2006 LES ARBRES MASQUES












les arbres étaient abîmés... la nature humaine l'est aussi

2006 les réparés




Interviennent dans ces oeuvres les premiers matériaux pour donner de l'épaisseur au dessin, matérialiser le sujet... modeling past et tissu

2005 2006 les abimés





MONOCHROMES BLEUS



SIMPLIFICATION DES FORMES ET DU FOND




mardi 27 avril 2010

LES PREMIERS ARBRES 2003 2004





AVANT 2003


un détail d'oeuvre

un détail d'oeuvre

LE PARCOURS DE L'ARTISTE

A 15 ans il dessinait des arbres. Des arbres morts. Tous morts. Dessins à l’encre noire, évidemment. Avec quelques nuages, verts ou rouges, un peu falots, qui flottaient dans l’espace blanc du papier.
A 15 ans il était artiste, avec cette certitude que donne la marginalité qui pointe dans le confort de la solitude. Marginalité vite étouffée par un milieu familial enseignant rigide où la différence que l’on pressent n’est rien d’autre qu’une fantaisie dangereuse.

Exit le désir de vouloir jouer à l’artiste. L’adolescent fera enseignant. A 20 ans dans la brousse africaine, fasciné par les grands espaces et la richesse humaine et culturelle d’autres ethnies. Et quelques années plus tard dans les musées (Le Louvre, le Centre Georges Pompidou, le Musée Antoine Lécuyer de Saint-Quentin) ... à fouiller et à apprendre Le Caravage et Gauguin, Turner et Van Gogh, Schiele et la Sécession viennoise, Picasso, Matisse, de Staël, Hockney... à s’enrichir de rencontres privilégiées avec Hémery, Messadié, Titus-Carmel, Adami, Christoforou... Et faire le choix de tout quitter pour retrouver les chemins détournés d’avant. Vivre artiste, quel qu’en soit le prix.

Premiers travaux à la gouache et à l’huile. L’envie de pastel attendra encore, le temps de se désintoxiquer de maitres en la matière, portraitistes du XVIIIème, impressionnistes (Boudin en tête), constructivistes russes ou grands contemporains, hélas trop mal connus, tels Sam Szafran ou Pierre Skira.
D’abord des coins de jardins, des landes, des bouts de plages...

Et puis enfin la poudre sèche en bâtons, légère et fluide quand elle s’écrase du bout des doigts sur la feuille, sensuellement.
Les paysages deviennent alors moins anecdotiques, de plus en plus vides... de nulle part et d’un ailleurs mal défini traînant sur les rebords de l’inconscient. La ligne d’horizon s’éloigne, jusqu’à disparaitre. Jusqu’à ce que le ciel chargé, souvent sombre et agité, avale la terre... jusqu’à ce que l’espace devienne plus vaste et libre, que les frontières de l’abstraction s’approchent et que le silence des non-dits se montre en couleurs qui s’affrontent.

Et brusquement, sans que rien de tangible ne le prédise, fin d’après midi 2003, dans la torpeur de l’atelier, cette forme incongrue qui se plaque sur un coin de dessin abstrait à dominante bleu acier. Comme un arbre! Un petit arbre rouge, maladroit, vient de se planter là! Il n’est pas beau l’arbre rouge. Il n’a pas d’épaisseur. Il fait le timide, un brin rabougri, collé au bord de la feuille!
Dérangeant, l’arbre! Mais il s’affiche, malgré la volonté de l’artiste de l’ignorer, de l’abandonner momentanément au bout de la table de travail;;; Il est bien là,, magnétique, ressurgi de loin, de si loin. Vivant, cette fois! Et demandant à pousser, à se reproduire...
Un second arbre quelques jours après... juste le temps qu’il aura fallu pour accepter que le petit arbre rouge ne tardera pas à chahuter l’univers de l’atelier.

Alors les arbres se multiplient, envahissent, grossissent, prennent possession du papier, veulent de la couleur, plus de couleurs... exigent de l’épaisseur, réclament un autre support, imposent la recherche d’une autre technique.... Emplissent l’espace, propulsés sur le devant d’un paysage réduit au rôle de décor indéfinissable et sans profondeur... Des végétaux inconnus... parfois bizarres. Cloisonnés dans leur mutisme ou leur révolte, leur tendresse ou leur violence... se mettent en scène, se croisant dans l’anonymat de corridors ou se rapprochant parfois, par deux ou trois, jusqu’à se toucher, sensuellement, symboliquement...

Et voilà que surgissent de nouvelles espèces, des races étranges qui semblent parfois se minéraliser, se fossiliser dans un monde en devenir! Parce que le danger est là, et s’amplifie.... La destruction est en marche... Que deviendront alors demain notre nature et la race humaine? Sans vouloir sombrer dans un pessimisme forcené l’artiste avertit. Il écrit à sa façon sa vision de la menace, et s’acharne, artisanalement mais avec conviction, à réparer ce qui peut l’être encore, à coups de pastels, de pansements et de coutures.