mardi 27 avril 2010


un détail d'oeuvre

un détail d'oeuvre

LE PARCOURS DE L'ARTISTE

A 15 ans il dessinait des arbres. Des arbres morts. Tous morts. Dessins à l’encre noire, évidemment. Avec quelques nuages, verts ou rouges, un peu falots, qui flottaient dans l’espace blanc du papier.
A 15 ans il était artiste, avec cette certitude que donne la marginalité qui pointe dans le confort de la solitude. Marginalité vite étouffée par un milieu familial enseignant rigide où la différence que l’on pressent n’est rien d’autre qu’une fantaisie dangereuse.

Exit le désir de vouloir jouer à l’artiste. L’adolescent fera enseignant. A 20 ans dans la brousse africaine, fasciné par les grands espaces et la richesse humaine et culturelle d’autres ethnies. Et quelques années plus tard dans les musées (Le Louvre, le Centre Georges Pompidou, le Musée Antoine Lécuyer de Saint-Quentin) ... à fouiller et à apprendre Le Caravage et Gauguin, Turner et Van Gogh, Schiele et la Sécession viennoise, Picasso, Matisse, de Staël, Hockney... à s’enrichir de rencontres privilégiées avec Hémery, Messadié, Titus-Carmel, Adami, Christoforou... Et faire le choix de tout quitter pour retrouver les chemins détournés d’avant. Vivre artiste, quel qu’en soit le prix.

Premiers travaux à la gouache et à l’huile. L’envie de pastel attendra encore, le temps de se désintoxiquer de maitres en la matière, portraitistes du XVIIIème, impressionnistes (Boudin en tête), constructivistes russes ou grands contemporains, hélas trop mal connus, tels Sam Szafran ou Pierre Skira.
D’abord des coins de jardins, des landes, des bouts de plages...

Et puis enfin la poudre sèche en bâtons, légère et fluide quand elle s’écrase du bout des doigts sur la feuille, sensuellement.
Les paysages deviennent alors moins anecdotiques, de plus en plus vides... de nulle part et d’un ailleurs mal défini traînant sur les rebords de l’inconscient. La ligne d’horizon s’éloigne, jusqu’à disparaitre. Jusqu’à ce que le ciel chargé, souvent sombre et agité, avale la terre... jusqu’à ce que l’espace devienne plus vaste et libre, que les frontières de l’abstraction s’approchent et que le silence des non-dits se montre en couleurs qui s’affrontent.

Et brusquement, sans que rien de tangible ne le prédise, fin d’après midi 2003, dans la torpeur de l’atelier, cette forme incongrue qui se plaque sur un coin de dessin abstrait à dominante bleu acier. Comme un arbre! Un petit arbre rouge, maladroit, vient de se planter là! Il n’est pas beau l’arbre rouge. Il n’a pas d’épaisseur. Il fait le timide, un brin rabougri, collé au bord de la feuille!
Dérangeant, l’arbre! Mais il s’affiche, malgré la volonté de l’artiste de l’ignorer, de l’abandonner momentanément au bout de la table de travail;;; Il est bien là,, magnétique, ressurgi de loin, de si loin. Vivant, cette fois! Et demandant à pousser, à se reproduire...
Un second arbre quelques jours après... juste le temps qu’il aura fallu pour accepter que le petit arbre rouge ne tardera pas à chahuter l’univers de l’atelier.

Alors les arbres se multiplient, envahissent, grossissent, prennent possession du papier, veulent de la couleur, plus de couleurs... exigent de l’épaisseur, réclament un autre support, imposent la recherche d’une autre technique.... Emplissent l’espace, propulsés sur le devant d’un paysage réduit au rôle de décor indéfinissable et sans profondeur... Des végétaux inconnus... parfois bizarres. Cloisonnés dans leur mutisme ou leur révolte, leur tendresse ou leur violence... se mettent en scène, se croisant dans l’anonymat de corridors ou se rapprochant parfois, par deux ou trois, jusqu’à se toucher, sensuellement, symboliquement...

Et voilà que surgissent de nouvelles espèces, des races étranges qui semblent parfois se minéraliser, se fossiliser dans un monde en devenir! Parce que le danger est là, et s’amplifie.... La destruction est en marche... Que deviendront alors demain notre nature et la race humaine? Sans vouloir sombrer dans un pessimisme forcené l’artiste avertit. Il écrit à sa façon sa vision de la menace, et s’acharne, artisanalement mais avec conviction, à réparer ce qui peut l’être encore, à coups de pastels, de pansements et de coutures.

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